Marché de Sambava
Le marché à Sambava, après la pluie

La vanille, cette fleur dont l’odeur rend fou

L’arrivée à l’aéroport de Sambava, à l’extrémité nord-est de l’île de Madagascar, laisse une forte impression. À terre, des sirènes retentissent pendant que le personnel s’affaire à chasser les zébus de la piste d’atterrissage. Une fois le petit avion posé, quand les hélices cessent de tourner, la porte s’ouvre, on sort et on respire à plein poumon. Odeur de kérosène, de feu de bois aussi, omniprésente sur l’île. Puis rapidement une autre odeur plus douce se fraye un chemin jusqu’à nos narines : celle de la vanille.

Le nord de Madagascar constitue en effet le premier producteur mondial de cette rare espèce d’orchidée, dont près de 2500tonnes sont exportées chaque année. De quoi rendre riche n’importe qui du jour au lendemain, imaginez un peu à  plus de 200 dollars le kilo, parfois jusqu’à 600. De petits producteurs se mettent à construire de grandes maisons avec des piscines, s’achètent plusieurs voitures, des écrans  plats, leurs enfants s’achètent des motos de luxe, alors que la plus grande partie de la région n’a ni électricité, ni accès à l’eau potable. Fatalement, cette ostentation a généré un banditisme tout aussi prospère. Le vol est un véritable fléau, il est si facile de venir se servir dans les plantations. Si bien que les producteurs doivent cueillir les gousses de plus en plus jeunes avant qu’elles ne soient volées, ce qui induit une baisse drastique de sa qualité sur le marché. À la période de la récolte, de nombreux producteur montent une garde armée, veillant jour et nuit sur leurs précieuses gousses.

Paysage rural du nord-est de l'île, aux portes du parc naturel de Marojejy

En parallèle, une mafia menée par les gros exportateurs s’est progressivement instaurée, dont  l’impact sur la qualité du produit se fait également ressentir : cueillettes précoces, baisse du
temps d’affinage des gousses, empaquetage non-conforme et mélange de gousses mûres et immatures pour obtenir le plus d’argent le plus rapidement possible. Les bandits se font lyncher, les producteurs assassiner. Ce coin de paradis tropical revêt des airs de Far-West. Étrange paradoxe, le prix de la vanille malgache ne cesse pourtant d’augmenter. La conséquence inexorable de cet état de fait est que les  producteurs malgaches cèdent du terrain sur le marché mondial au profit des grands producteurs mexicains et indonésiens. Et ce sont bien sûr les petits producteurs malgaches qui en font les frais, eux qui se mettent même à rêver d’une baisse du prix de la vanille, assez pour désintéresser les escrocs, assez pour faire vivre une honnête famille de paysans de manière  décente.

Se procurer de la vanille de qualité à Sambava, ça ressemble furieusement à la recherche d’un bon filon pour de la weed. La mise en contact se fait de manière très indirecte, par un proche qui connaît quelqu’un qui est le petit-cousin d’un ami du gendre de la soeur de la personne concernée, qui cache son précieux butin sous son lit ou sous son canapé et passe ses nuits à prier pour que la délicieuse odeur s’échappant de la fenêtre sans carreau n’attire aucune personne mal intentionnée.

Un collègue achète un plan de vanille pour essayer de le faire pousser à Tananarive, à près de 1300 m d’altitude.
Madagascar
Dans le village de Benavony
Une zone de fouille, entre océan, rizières, forêt tropicale et plantations de vanille.
Sur les chantiers archéologiques, nous avons quelques fois cru avoir la berlue au petit matin, le premier jour de fouille sur un nouveau sondage. En une nuit, des orchidées avaient poussé sur toute la surface à ouvrir, pourtant déjà nettoyée la veille de sa végétation par nos soins. Comme par enchantement. Et ce malgré de longues journées de négociations préalables avec les propriétaires du terrain. Pas le choix, le prix à payer pour faire ressurgir le passé est celui de la vanille. La vanille, une fleur dont l’odeur rend fou. L’une des fleurs du mal ?
Coucher de soleil sur Sambava et l'océan Indien.

Références :

Autres aventures malgaches :